Vendredi 14 avril 2006 Le champion fulgurant
Hervé Mathurin

GALERIE BORDELAISE. -- Ancien champion du monde sur piste à 21 ans, le propriétaire des magasins de jouets assistera aux championnats au Stadium

Maurice Verdeun dans son magasin de jouets du centre-ville
PHOTO STEPHANE LARTIGUE

Pour ne pas connaître le nom de Maurice Verdeun à Bordeaux, il faut n'avoir jamais été enfant... ou grand enfant. Ses trois magasins de jouets et de modèles réduits de la Galerie bordelaise et de la rue des Piliers-de-Tutelle ont vu passer plusieurs générations d'yeux émerveillés depuis cinquante-trois ans. C'est en effet en 1953 que Maurice Verdeun, aujourd'hui âgé de 77 ans, a créé cette institution commerciale qui tranche avec la litanie des enseignes franchisées du centre-ville. Il avait d'abord ouvert, en 1947, un magasin d'articles de sport et de jouets. Les autos miniatures, les trains électriques, les peluches, les poupées et les modèles réduits télécommandés ont définitivement remplacé, cinq ans plus tard, les maillots et les ballons.
Mais qui sait, aujourd'hui, que Maurice Verdeun a été un champion cycliste exceptionnel ? Pas grand monde, à part les hommes de sa génération, qui ont eu la chance d'admirer ses accélérations de dragster sur la piste rose de Lescure. Ce qui fait de Maurice Verdeun une exception, c'est la fulgurance de sa carrière, aussi éphémère et brillante que celle de Rimbaud en littérature. Il a couru de 15 ans à 21 ans, disputé 360 courses et remporté 140 victoires, dont un titre de champion du monde amateurs à Liège, en 1950, avant d'être frappé d'une maladie du sang qui le laissa sans forces et précipita la fin de sa vie sportive. « C'est arrivé en avril 1951 et je pouvais encore porter mon maillot arc-en-ciel pendant trois mois. J'avais en main des contrats de Six Jours, des courses en Australie et aux Etats-Unis. Et tout ça, terminé. J'en ai pleuré. »

Tennisman sur le tard. Ce fut donc court, mais que ce fut bon ! Un an après avoir été champion de France militaire, en 1949, devant son copain André Darrigade, Maurice Verdeun fut sélectionné en équipe de France pour le Mondial de Liège, sur le vélodrome de Rocourt, où tant de coureurs illustres se sont produits. Il domina successivement les trois meilleurs Belges devant leur public puis l'Italien Sacchi, à l'aube d'une brillante carrière, et enfin le Breton Quelen en finale. « Mais mon meilleur souvenir restent mes deux Grands Prix de Paris la même année, raconte-t-il. J'ai d'abord gagné chez les amateurs devant les Italiens Maspes et Sacchi puis, quinze jours plus tard, face aux meilleurs pros, j'ai atteint la finale avant d'être battu par le Suisse Plattner et le Belge Gosselin. » Maurice Verdeun rencontrait aussi le célèbre « Toto » Gérardin, alors âgé de 40 ans : « Un vicieux qui m'a appris les ficelles du métier... » Mais la maladie eut raison de cet enseignement. Il retrouva le parfum de la compétition sur le tard, avec une raquette de tennis : « J'ai été champion de France vétérans par équipes avec Jean-Paul Jauffret, l'actuel adjoint au maire. »


Père et frère. Dans les années 40, Maurice Verdeun était le joyau d'une écurie dirigée par son propre père. Marcel Verdeun était à la fois marchand de cycles cours Balguerie, constructeur de cadres et président du SA Bordelais, club phare avec ses 100 coureurs dont Robert Verdeun, frère de Maurice, ex-vainqueur de Bordeaux-Saintes, et notre ancien confrère Robert Dutein, comptable de l'entreprise avant de devenir journaliste. « Mon enfance, ce n'était pas les trains électriques, c'était la bicyclette et les virées avec mon père », dit Maurice.
Aujourd'hui, ses fils Bruno et Frédéric perpétuent la tradition familiale du commerce ludique : « Mais avec les travaux, l'affaire a souffert, et je viens le matin leur donner un coup de main. » Maurice Verdeun a été invité par le président Pitallier à se rendre au championnat du monde qui se déroule en ce moment au Stadium du Lac (lire également en pages sports 1-16 et 1-17). Son regard sera forcément celui d'un connaisseur.